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Roger

Ma conversion en Jésus-Christ

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Pour autant que je me souvienne, mon éveil à la foi remonte plus ou moins à l’âge de neuf ans. À cette époque, je fréquentais l’école des garçons – celle des filles était séparée – de la paroisse Saint-Nicolas, à Namur. Elle ne comptait que deux salles de classes et je venais de monter chez « les grands », c’est-à-dire les trois dernières années primaires. Ce faisant, j’héritais d’un vieil instituteur qui avait déjà été celui de mon père, bien des années plus tôt. J’aurais pu tomber plus mal, mais je ne le savais pas encore. Non seulement c’était un excellent pédagogue, mais en plus, c’était un catholique d’une grande piété.

 

Certes, nous étions au milieu des années cinquante, et le culte marial était en plein essor. Mais cet homme savait aussi nous faire aimer Dieu et son Fils Jésus-Christ. Il faut dire que l’existence de Dieu m’a toujours paru tellement évidente, qu’elle ne m’a jamais posé problème. Si bien qu’à l’âge de dix ans, c’est sans difficulté que j’y avais ajouté ma foi en la naissance virginale de Jésus, en sa nature à la fois humaine et divine, en sa mort expiatoire sur la croix, à sa résurrection et à son ascension en gloire…

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Catéchisme que je devais apprendre par cœur

avant ma communion solennelle. 

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J’étais maintenant en cinquième année primaire, et l’étude du petit catéchisme était au programme de l’école. Cette étude consistait à apprendre par cœur les réponses aux 447 questions qui s’y trouvaient : celles en gros caractères étaient pour la cinquième année, celles en petit caractères étaient réservées à la sixième année primaire. Désormais, j’avais droit aux doctrines plus discutables de la transsubstantiation, de l’immaculée conception, de l’assomption de Marie, de l’infaillibilité des papes, du purgatoire, des limbes, des péchés mortels et véniels, des prières pour les morts, des indulgences, etc. Mais dans mon innocence, je m’appliquais à les apprendre avec le plus grand sérieux.

 

Je désirais sincèrement me trouver au plus près de Jésus. Dès lors, le mieux était de le recevoir en moi chaque jour en participant à l’eucharistie. J’ai donc demandé à ma mère de me réveiller chaque jour à six heures pour accompagner mon instituteur à la messe de sept heures et y communier. L’église était à une demie heure de marche et, à l’époque, on ne pouvait communier qu’à jeun. Par la suite, je devins même enfant de chœur, et je servais la messe en habit liturgique. Toujours est-il que je prenais mes tartines avec moi, car au retour de la messe, l’instituteur nous faisait entrer dans sa cuisine – nous étions trois garçons – où sa fille, une vieille demoiselle fort aimable, nous servait une tasse de café au lait pour accompagner notre petit déjeuner. Après quoi, nous nous rendions en classe pour la première leçon de la journée, celle de catéchisme.

 

Comme la classe regroupait les élèves de quatrième, cinquième et sixième années, tous pouvaient prêter l’oreille aux leçons données à ceux de sixième. Jugeant mes résultats satisfaisants, l’instituteur me fit passer l’examen cantonal à la fin de ma cinquième, et je fus reçu avec une année d’avance. Toutefois il conseilla à mes parents de me faire faire ma sixième année dans une école où les cours étaient plus poussés. C’est ainsi que je me suis retrouvé à l’institut Saint-Aubin, réputé dans tout Namur pour sa discipline de fer. Dire cela reste en-dessous de la vérité. La discipline qui nous était imposée relèverait sans doute aujourd’hui de la maltraitance morale. Mais à l’époque, personne ne s’en émouvait : il fallait mater les garnements que nous étions, pour en faire des citoyens bien soumis… surtout à « notre Sainte Mère l’Église » !

 

C’est à cette époque que mon père commença à se poser des questions à propos de la foi… Mais cela, je ne l’ai appris que par la suite. Il trouvait particulièrement injuste le commerce des indulgences, et donc l’idée que les riches puissent acheter leur ciel. Il se dit que si la vérité existait, ce ne pouvait être que dans les Évangiles. Aussi, il acheta une bible – celle de l’abbé Crampon – et se mit à la lire. Arrivé à l’épître de Paul aux Romains il découvrit que le salut était une grâce que Dieu accordait gratuitement en réponse à une repentance sincère. C’est ainsi que comme Augustin ou Luther avant lui, il se convertit seul en lisant la Bible.

 

Il se dit alors qu’il ne pouvait pas être le seul à avoir fait cette découverte, et qu’il devait bien exister d’autres chrétiens qui avaient fait la même expérience. C’est ainsi qu’il commença à visiter plusieurs sectes qui lisaient la Bible, mais qui le laissaient déçu, du fait qu’elles ne partageaient pas son expérience de foi. En fait, je n’ai pas encore dit qu’il était officier à l’armée. Or, un jour de manœuvres militaires, alors que pendant une pose il lisait sa Bible dans une jeep, un soldat passe près de lui, s’arrête étonné et lui dit : Tiens, mon commandant, vous lisez la Bible ? – Pourquoi, lui dit mon père, ça t’em…de ? (Langage militaire !) – Non, lui répond le soldat, moi je la lis aussi. – Et t’es quoi, toi ? – Je suis chrétien évangélique. – C’est quoi, ça ? – Le mieux c’est que vous veniez voir par vous-même…

 

C’est ainsi qu’il est allé assister à une réunion d’évangélisation qui se tenait en soirée dans une église pentecôtiste à Namur. Le pasteur s’appelait Petrus Gustafson – plus tard il changea son nom en Hammarberg – ; c’était un missionnaire suédois plein d’amour et de sagesse. Tout ce qu’il disait correspondait à ce que mon père avait-lui-même découvert dans la Bible. Après la réunion, ils ont eu un échange qui a duré toute la nuit, et à six heures du matin, mon père lui a demandé : Quand est-ce que je pourrai prendre le baptême ?... Ce qu’il a fait peu de temps après.

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Mon père est le premier à gauche.

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Ma mère a suivi assez rapidement, ainsi que ma sœur Nicole, car nous assistions à la fois aux réunions évangéliques et aux leçons de catéchisme ! Ma grand-mère paternelle était franchement une bigote. Elle vivait sous le joug d’un père jésuite qui la voyait toute les semaines. Je pense qu’elle lui a donné suffisamment d’argent pour dire des messes cent ans après sa mort, en vue du repos de son âme ! Comme malgré mon jeune âge, j’étais également très « accro » à l’Église romaine, je lui disais : Tu sais Bonne-maman, moi, je suis catholique et je resterai catholique !

 

Le vicaire de la paroisse ne tarda pas à découvrir le pot aux roses, quand je lui fis part des réunions où j’accompagnais mon père, et qui étaient tellement plus vivantes que la messe en latin. Il faut dire que l’épouse du pasteur était une cantatrice classique de talent, et que lui était aussi bon orateur qu’excellent pianiste.

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Le pasteur et Madame Petrus Gustafson en 1956 à Namur

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Ce brave prêtre essaya tout d’abord de faire pression sur mon père, mais celui-ci lui répondit qu’il ne ferait aucune pression sur ses enfants et qu’il les laisserait choisir. Il essaya alors de faire pression sur moi, en m’assurant  que si je restais fidèle à Rome, j’aurais un jour ma statue dans l’église et qu’on viendrait prier devant elle… Là, je trouvais qu’il y allait tout de même un peu fort ! Mais l’Église catholique présente ceci de particulier, c’est qu’elle sait créer un lien de loyauté très fort entre elle et ses fidèles.

 

Mais à onze ans, on commence tout de même à réfléchir et à se poser des questions. Ainsi, mon catéchisme disait que la Vierge Marie était « la Mère de Dieu, la Reine du Ciel et la Médiatrice de toutes les grâces » (article 348)… Or, maintenant que j'avais une Bible, je pouvais moi-même y lire que : « il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. » (1 Timothée 2:5)

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Manifestement, je me trouvais devant deux affirmations incompatibles… Et ce n’était pas les seules ! Contrairement, à certaines personnes qui viennent aujourd’hui à la foi, je n’ignorais pas la valeur expiatoire de la mort de Jésus ; mais selon la doctrine qui m’avait été enseignée, pour pouvoir en bénéficier, je devais la mériter par mes bonnes œuvres. Mais la Bible proposait des textes tellement clairs que, même pour un enfant, la gratuité du salut offert en Jésus-Christ ne prêtait plus à discussion : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphésiens 2.8-9)

 

Il me fallait donc choisir… Si bien que le 29 décembre 1955, dans ma chambre, j’ai décidé de me rallier définitivement à l’autorité de la Bible plutôt qu’à celle des hommes d’Église. J’éprouvai aussitôt un sentiment de joie immense et je m’empressai d’aller partager ma décision toute neuve avec ma sœur, dans la chambre d’à côté. Jour pour jour, j’avais exactement onze ans et demi. (Je suis né le 29 juin 1944.)

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Je possède toujours le Nouveau Testament que Monsieur Dray,

un ancien de l’église, m’a offert en souvenir de ma conversion à Jésus-Christ.

 

​Romains 1.16 : « Car je n’ai point honte de l’Évangile : c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit… »

Romains 8.28 : « Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. »

 

Ces deux versets sont restés au centre de ma marche quotidienne avec le Seigneur.

 

Comme je ne croyais plus au renouvellement du sacrifice de Jésus au cours de la messe, mon père est allé trouver le Père supérieur de l’institut Saint-Aubin, pour lui demander de m’en exempter chaque matin, et aussi, de ne plus m’obliger à dire d’autre prière que le « Notre Père ». Dans ces conditions, j’ai été prié de quitter l’établissement, et j’ai terminé mes primaires dans l’école communale de Belgrade – un village jouxtant Namur – où nous venions de déménager pour nous rapprocher de la caserne où mon père avait été muté.

 

Au début de l’année 1956, ma mère, ma sœur et moi prenions le baptême à notre tour. Au moment de rendre témoignage, ma sœur Nicole a exprimé sa joie d’avoir donné son cœur au Seigneur et sa volonté de s'engager avec lui ; mais quand mon tour est venu, j’étais tellement intimidé devant toute l’assemblée, que je n’ai pu que murmurer « Moi aussi ! »… C’était peu, mais pour moi, cela voulait dire beaucoup.

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Sur la photo de gauche, je suis au centre, ma sœur Nicole et ma mère sont à droite.

 

Par la suite, au cours de mon adolescence, j’ai suivi toutes les réunions de notre église évangélique avec la même assiduité que j’avais manifestée quand j’étais catholique. Vers l’âge de seize ans, j’ai commencé à m’occuper de la réunion d’enfants qui se tenait le samedi après-midi.

 

À l’âge dix-sept ans, un dimanche soir, alors que je rentrais chez moi à vélo après avoir assisté à la réunion de prière, un ivrogne au volant d’une grosse voiture américaine m’a pris par derrière à une vitesse que les gendarmes ont évaluée à cent vingt kilomètres-heure. Il y avait vingt-cinq mètres de traces de freinage sur la chaussée. Après avoir traversé le pare-brise de la voiture, avec la tête,  j'ai été projeté en avant et je suis retombé cinq mètres devant elle : un vol plané de trente mètres ! Mon vélo se trouvait encore sept mètres plus loin et n'était plus qu'un tas de ferraille... C'était un véritable miracle que je puisse me relever et me traîner sur le trottoir avant de m'effondrer. J’étais dans un sale état : huit jours d'hôpital avec 50 points de suture rien que sur le visage et le crâne, la cuisse ouverte jusqu'à l'os... Suite au  traumatisme subit, et à mes violents maux de tête, je ne pouvais plus faire d'effort cérébral et j’ai perdu une année d’études. 

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Chose étrange – mais assez fréquente, paraît-il – après être passé aussi près de la mort, ma personnalité a changé : autant j’étais timide, presque timoré avant l’accident, autant je suis devenu intrépide après. Je fréquentais alors l'Athénée de Namur. J'y ai organisé une grève des étudiants pour "protester" contre la qualité des repas servis le midi à la cantine. Du coup j'étais dans le "collimateur" des éducateurs qui me tenaient particulièrement à l'œil . Cela ne m'a pas pas empêché, un peu plus tard, de provoquer une violente explosion dans les toilettes pour "protester" contre l'exclusion de mon meilleur ami. Dénoncé, cela m'a valu de le rejoindre... Bref, je "protestais" beaucoup, mais par des moyens qui n'étaient pas vraiment en accord avec ma foi "protestante" !

 

Par contre, je demeurais de plus en plus interpellé par le problème de la famine et du sous-développement dans le Tiers-monde. Mon "nouveau" caractère m'a permis d'oser tenir tête à mon père qui voulait absolument que je poursuive la tradition familiale où tous les hommes étaient officiers de père en fils. Car, depuis ma naissance, il était entendu dans toute la famille, que je ferais l’école militaire.

 

Il faut savoir qu’à cette époque, en Belgique, – je ne sais pas si c’est toujours ainsi aujourd’hui – la cinquième génération ininterrompue d’officiers dans une même famille, se voyait anoblie par le roi, avec le titre de « chevalier », et avait le droit de prendre la particule devant son nom. Toute la famille attendait donc cet honneur avec impatience. Si bien qu’en prenant une autre voie, j’allais devenir la source d’une grande déception pour eux tous, et surtout pour mon père. Mais rien n’y fit. Fidèle à mes préoccupations pour le Tiers-monde, j’entrepris très logiquement les études d’ingénieur en agronomie tropicale qui allaient me permettre d’y répondre.

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En 1962, toujours très complice avec ma sœur Nicole,

jusqu’à son décès prématuré en janvier 2015.

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 Comme chacun sait, la vie estudiantine est souvent celle de tous les dangers. Au début, n’en ayant pas le goût, je ne buvais jamais d’alcool. Lors de chaque sortie d’étudiants, je me démarquais en buvant des « laits-grenadines » alors que tous les autres se soûlaient à la bière. Le plus souvent, je confisquais les clés de la voiture d’un copain pour ramener tout le monde à bon port. Mais un jour, allez savoir pourquoi, je me suis mis à boire de la bière avec les autres. Chose étrange, était-ce ma forte stature ou le fait que je n’avais jamais bu d’alcool avant, j’étais toujours en pleine forme, alors que tous mes camarades étaient complètement « bourrés ». Du coup, renouveler cette expérience est devenu une sorte de « sport » pour moi… Mais pas toujours avec un résultat aussi heureux !

 

Je dois ici ouvrir une parenthèse pour dire que – folle prétention de la jeunesse – j’en étais tout doucement venu à critiquer et à juger les « vieux » chrétiens de notre église que je trouvais trop peu engagés dans la foi. Notre nouveau pasteur – Gilbert Gauthier, un belge très dévoué qui venait de Charleroi – me laissait de temps en temps faire l’introduction d’une réunion. Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte que, vu ma jeunesse, il était aussi prétentieux que ridicule de prétendre « faire la leçon » aux autres chrétiens de notre assemblée. Aussi, je trouve qu’ils avaient beaucoup d’amour et de patience pour me supporter. Bref ! À l’époque, j’avais plutôt une bonne opinion de moi-même… Mais le Seigneur allait me montrer qu’elle était bien surfaite !

 

Un soir, en effet, après une soirée bien arrosée, – je le dis à ma plus grande honte – je rentrais dans ma chambre d’étudiant et après avoir monté « à quatre pattes » les escaliers des deux étages. Je me suis écroulé sur mon lit, mais avant d’éteindre la lumière, j’ai pris la Bible à mon chevet – la force de l’habitude – et je l’ai ouverte au hasard pour la lire avant de dormir. Bien que je ne croie pas trop à cette manière de lire la Bible, je dois dire qu’en l’occurrence, l’Esprit Saint a bien fait les choses. Je suis tombé sur le passage qui dit ceci : « Frères, vous avez été appelés à la liberté, seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair ; mais rendez-vous, par la charité, serviteurs les uns des autres. […] Je dis donc : Marchez selon l’Esprit, et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair.  Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez. » (Galates 5.13,16,17)

 

Il existe plusieurs remèdes peu efficaces contre la « gueule de bois » ? Mais là, je peux affirmer que ce fut radical : en un instant, je fus dessoûlé et je me suis retrouvé à genoux en train de pleurer sur mon péché d’orgueil. Je réalisais que je me croyais mieux que les autres et qu’en réalité, j’étais pire que ceux que je pensais pouvoir critiquer. Je réalisais aussi que malgré mon engagement dans notre assemblée, je marchais selon la chair, selon ma vieille nature, et non conduit par l’Esprit de Dieu. En fait, Jésus n’étais pas vraiment devenu mon Seigneur : celui qui avait le droit de diriger toute ma vie. Certes, lors de ma « conversion » enfantine, je l’avais accepté comme mon Sauveur, et j’avais reçu le pardon de mes péchés ; mais aujourd’hui, en cet instant je l’acceptais enfin comme le « patron » dans ma vie : comme mon véritable Seigneur ! Désormais, je voulais laisser au Saint-Esprit la liberté d'agir pleinement pour transformer tout mon être.

 

Cette soirée mémorable allait également infléchir la vision que j’avais de mon avenir. Désormais, non seulement je voulais aider les personnes du Tiers-monde, mais je désirais le faire dans le cadre d’une œuvre missionnaire. Certes, je ne me sentais pas assez spirituel, ni assez formé pour devenir moi-même un missionnaire, mais à travers l’exercice de ma profession, je pourrais certainement libérer les missionnaires de leurs obligations matérielles, pour qu’ils puissent mieux se consacrer à leurs tâches spirituelles. C’est dans cette perspective que j’allais terminer mes études et obtenir mon diplôme.

 

En fait, j’avais passé et réussi mes examens fin juin 1966, mais je devais encore présenter mon mémoire de fin d’étude en septembre. C’est au cours du mois d’août que j’ai fait la connaissance de Françoise, à la fin du culte, alors qu’elle était en vacances en Belgique chez l’une de ses sœurs mariée à un belge. Très vite nous avons réalisé que nous avions la même vision pour le travail missionnaire et au bout de quelques jours, notre avenir semblait se dessiner l’un avec l’autre. Après son retour en France, et alors même que j’avais enfin mon diplôme en poche, nous avons continué à correspondre et à chercher la volonté de Dieu pour notre avenir.

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Il faut se rappeler qu’à cette époque, le Congo ex-belge venait de prendre son indépendance, non sans événements dramatiques qui traumatisèrent la population métropolitaine. En clair, plus personne ne voulait entendre parler du Congo, et encore moins y aller travailler. Les plantations restaient à l’abandon, et l’on faisait des ponts d’or aux agronomes qui voulaient encore s’y rendre. C’est ainsi que Goodyear me fit une offre vraiment plantureuse pour prendre en charge une immense plantation d’hévéas, ainsi que l’usine de traitement du latex qui l’accompagnait. Mais dans mon désir de servir le Seigneur dans une mission, j’ai décliné cette offre, au grand désespoir de mon père qui estimait ne pas m’avoir payé des études pour que je me montre aussi "irresponsable".

 

J’ai alors connu l’année la plus difficile de ma vie. J’ai écrit dans toutes les missions que je connaissais pour proposer mes services, en pensant naïvement qu’on allait se les arracher. Et puis… Rien ! Pas la moindre réponse… Françoise était loin, nous n’avions pas le téléphone, et à l’époque, on ne parlait pas encore d’Internet. Le courrier mettait une semaine pour aller, et autant pour la réponse en retour. On priait beaucoup chacun de notre côté et il devenait évident que nous allions nous unir… Mais pour aller où ? En attendant, je dépendais financièrement de mes parents. Je cherchais un travail temporaire, n’importe quoi, mais en vain, ce qui me mettait en porte-à-faux par rapport ma famille.

 

À la maison, la pression s’intensifiait : je n’aurais pas dû refuser le contrat de Goodyear, me reprochait-on. Mais dans le jeûne et la prière notre conviction, à Françoise et moi, ne faisait que se renforcer… Mais toujours sans rien voir venir ! À Noël ‘66, Françoise est revenue quelques jours en Belgique. À Pâques ’67, c’est moi qui suis allé quelques jours en France. C’était bien peu pour deux jeunes gens dont les sentiments l’un pour l’autre se renforçaient de jour en jour. Quand nous étions ensemble nous passions beaucoup de temps à chercher la face du Seigneur, pour lui dire que si nous nous trompions, qu’il nous le montre clairement, que l’on se soumettrait.

 

Puis soudain, tout s’est précipité. Une vieille missionnaire suédoise que j’avais connue enfant est passée à l’église et en me retrouvant, elle m’affirmait que c’était exactement de gens comme moi qu’une nouvelle école normale avait besoin dans une mission suédoise au Burundi. Le volontariat protestant - rien à voir avec la Coopération technique belge - me proposait son partenariat pour superviser mon contrat et notre départ. Je gagnerais la même chose qu’un enseignant autochtone : 6.000 francs burundais (300 euros en pouvoir d'achat actualisé), c’est-à-dire juste de quoi manger à la mode africaine. Peu importe, Françoise partageait ma conviction et sa vie ne l’avait pas habituée au luxe. Le 15 juillet 1967, nous nous sommes mariés en toute simplicité.

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Échange des alliances, Bible de mariage et et bénédiction de notre mariage

le 15 juillet 1967, par le pasteur Gilbert Gauthier, à Saint-Servais (Namur)

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 Vite, il fallait préparer quelques malles avec le stricte nécessaire et les envoyer par bateau. Nos dernières économies y sont passées. Heureusement, la mission suédoise nous payait nos billets d'avion. Le dimanche 10 septembre, le jour du grand départ était arrivé. Au matin, lors du culte, notre pasteur proposa de nous consacrer l'offrande. Heureusement, elle nous permit de payer notre supplément de bagages ; car à 17 heures, en montant dans l'avion, toute notre "fortune" ne s'élevait plus qu'à un billet de 50 francs belges : même pas 10 euros en pouvoir d'achat actuel... Notre aventure commençait par la foi, et nous ne savions pas trop où elle allait nous mener. Mais nous n'étions pas seuls et nous avions confiance. Alors que le Boeing 707 s’élevait dans les airs, nos mains se rejoignaient, et nous sentions une grande paix nous envahir : c’était comme si le Seigneur nous confirmait que nous étions pleinement dans sa volonté pour la nouvelle vie qui s’ouvrait devant nous.

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